pix pix accueil
courtade lanoe mazilu dan horst
poumeyrol arnaud plaindoux duc fremont
Horst Fasel a eu une formation de graphiste. Sur une feuille de papier, un carton, une toile... il sait exactement où il peut placer deux simples points, un trait, une tache de couleur... pour que s'installe un équilibre parfait.
Dans toute surface, quelle qu'elle soit, il peut jouer indéfiniment avec les formes pour en faire jaillir une multitude de possibilités. Comme la musique est toute entière contenue dans un petit nombre de notes, l'harmonie peut surgir de quelques traces sur un support donné. Fasel est un peintre pleinement peintre, c'est-à-dire que son moyen d'expression, son langage particulier, est celui des lignes, des surfaces et des couleurs. On ne s'étonne pas qu'un danseur, un musicien se soit longuement formé et s'exprime à l'aide de la technique qu'il a su développer et approfondir ; par contre, le spectateur d'un tableau va vouloir, avant de ressentir une émotion, qu'on lui ait expliqué l'œuvre avec des mots. Horst Fasel est typiquement le peintre qui réclame de celui qui regarde son travail de ne pas penser, a priori, mais d'abord de voir.

S'il accepte ce pari, le spectateur va entrer dans une œuvre qui est souvent un jeu, une stimulation de l'intelligence, une rencontre avec l'humour,
la fantaisie, les trouvailles inattendues, le détournement des êtres et des choses. Un monde où les découvertes dépaysent et déconcertent.
Ces créations vous demandent, en quelque sorte, de retourner dans l'état où vous vous trouviez enfant, lorsque les objets étaient tous des sujets d'exploration et d'étonnement ingénus. Leur utilité vous était alors inconnue et chacun d'eux était un motif d'interrogation, d'investigation,
une possibilité ludique.
Les formes abstraites vivent d'une vie propre qui par leurs silhouettes, leurs déformations, leurs mouvements, leurs façons d'occuper l'espace vous permettent d'avoir la même surprise émerveillée que la visite d'un monde sous-marin peuplé de créatures différentes de celles qui nous sont familières sur terre.

La série de tableaux, entre 1968 et 1970, est une démonstration de ces jeux entre les formes et la surface qu'elles occupent. Souvent le peintre s'approprie le rectangle du papier en retraçant à l'intérieur un autre cadre plus irrégulier, plus souple, gauchi pour signifier que l'on s'installe dans un autre domaine que celui de la feuille où l'on écrit sagement et régulièrement. Il va faire vivre dans ce champ reconstitué une série de peintures légères, inventives, où les formes vont se développer pour devenir, comme des amibes sous le microscope, des créatures insolites et surprenantes. Il y a là, toutes sortes de créations, dont la fantaisie fait penser aux courts morceaux de piano d'Eric Satie. Un jeu savant, une course poursuite entre les formes et les lieux qu'elles occupent tour à tour. Elles divisent la surface en deux, en carrés, en diagonale. Elles épousent les différentes subdivisions du papier en restant abstraites ou en prenant inopinément formes humaines ou animales. Comme des fœtus qui s'étirent ou se recroquevillent dans l'utérus maternel, elles s'allongent, se déforment, se poussent dans les coins et se mettent à croître et à se métamorphoser sous nos yeux.

Jean-Louis Lumineau avec son violoncelle
De 1968 à 1970 l'espace se peuple de formes légères, flottantes, presque impalpables. Ce sont des corps transparents, allusifs, fluides, presque immatériels. Leur position verticale leur donne l'apparence de créatures en sustentation dans un liquide translucide. Souvent, seul un trait délimite leurs contours. Les couleurs elles aussi sont pâlies, atténuées. C'est un monde de méduses aux formes étranges, élégantes et subtiles, où rien ne pèse et où tout n'est que suggestions. De 1971 à 1979 les œuvres acquièrent plus de consistance ; on voit apparaître des volumes, des ombres portées. La surface de la toile devient un espace plus matériel. Un lieu de vie. Le peintre installe des perspectives, des cloisons, des plafonds. Il pose des meubles, des tables, des chaises... Des silhouettes se concrétisent, s'étirent, se déforment et se remplissent d'étranges viscères qui suggèrent l'apparition d'une vie organique.

De 1980 à 1983 cette tendance à inclure le réel se confirme encore. L'espace est de plus en plus vaste, les objets, les personnages sont de plus en plus concrets. On aperçoit à travers une lentille déformante souvent teintée, une nature morte, un personnage, une scène toute entière. L'anamorphose d'une vaste place avec des buveurs installés sous les arbres, une salle de spectacle, une foule vivante et pittoresque de silhouettes individualisées.

Des portraits monochromes évoquent d'anciennes photographies aux tons passés. L'artiste a, cette fois, résolument pénétré dans le réel. Il nous montre un Midi convivial, une vie heureuse, où paraissent des portraits de connaissances, d'amis, de personnages rencontrés quotidiennement dans la rue ou à la terrasse des cafés. Ces tableaux qui paraissent seulement peints en camaïeu, outremer, sépia, turquoise... contiennent en réalité toute une série de subtiles variations écrues, bistres, roses et toute la gamme des beiges, des gris et des bleus.

De 1984 à 1990 c'est une période d'intimité. Il y a des natures mortes aux objets savamment déformés et aux mises en page insolites. La tasse de café, le verre, la bouteille remplacent définitivement les formes abstraites. La matière est plus épaisse, plus charnelle. Des personnages aux silhouettes inattendues semblent contaminés par la forme des objets qu'ils côtoient. Des visages élargis, de longs corps sinueux surmontés de têtes minuscules, des déformations dues à l'exagération de la perspective. Les représentations sont créées, non pas pour en rendre l'aspect véritable, mais pour nous donner à voir les transformations qu'elles subissent en passant dans l'univers du peintre. Cette période est celle du coloriste confirmé. Couleurs charnelles de la femme aux tulipes, touche à la fois fraîche et brûlante d'une chevelure bleue. Natures mortes vert, rose brique, blancs crémeux. Il faut se laisser surprendre par l'inattendu et l'audace de ces accords, comme en musique, par certaines dissonances voulues.

Ses portraits paraissent, au premier abord, très différents les uns des autres. Certains sont monochromes, d'autres ont des couleurs violemment contrastées. Chaque portrait est traité différemment. On sent qu'en face de son modèle, il a cherché la couleur dominante, les caractéristiques, le style, qui rendraient plus évidente son individualité particulière. Un portrait est le mélange intime de l'aspect extérieur et intérieur de celui qui pose et de ce que le peintre ressent en face de lui. Il s'agit, dans une image unique de résumer une personnalité. Ce n'est pas seulement par un aspect immédiat, une expression du visage, du corps, mais par un condensé de tout ce que l'artiste sait et devine de son modèle. Souvent d'ailleurs ces portraits sont ceux d'amis qu'il connaît bien et qu'il envisage avec humour et affection. Cependant, il n'oublie pas que cette image, si elle représente une individualité autonome, doit prendre place dans l'ensemble de son œuvre. C'est donc à l'aide de la couleur, des lignes du style qu'il va exprimer à la fois la personnalité du modèle, la sienne, ses choix artistiques, et en faire la synthèse dans un tableau.


Pendant une période de sa vie, Horst Fasel a vécu à Auribeau, un village situé au dessus de Cannes. La fenêtre de son atelier ouvrait sur un paysage où les lignes, les couleurs de la végétation, l'imprévu des accidents de terrain, la justesse et l'harmonie de l'ensemble, étaient un lieu de perfection pour les yeux et l'esprit. Horst Fasel a entrepris, jour après jour de choisir dans tous ces éléments des détails, des endroits particuliers dont il a tiré des œuvres chaque fois originales et inspirées. Certaines sont abstraites, d'autres figurent des herbes entrecroisées, des faisceaux de fleurs et de plantes, des habitations, des murs et des champs superposés. On retrouve chaque fois dans ces détails, ces morceaux issus du paysage, la beauté et la luminosité de l'ensemble. C'est pendant cette période que le peintre manifeste, de la façon plus évidente encore, ses qualités de coloriste. La pâte est plus épaisse et les accords de couleurs sont pleins de vigueur et d'audace. Tout particulièrement les bleus et les verts profonds dont des touches de jaunes, d'orangé ou de rouge, judicieusement placés, viennent renforcer l'intensité. La peinture se matérialise en objet peint sans perdre ses qualités de la matière brute, issue telle quelle d'un tube. Fasel sait aussi, dans des gammes plus douces, accorder des tons pastel tels le rose, le jaune pâle, toute la gamme des gris, des bruns qui nous permettent d'apprécier sa virtuosité, égale dans les tonalités majeures ou mineures.



L'ensemble de cette œuvre est une démonstration de la joie d'inventer avec les moyens mêmes de son art. Il se limite tout naturellement aux possibilités que celui-ci lui offre. Tout au long de son parcours il a tenu compte de toutes les tentatives des autres peintres contemporains.
Il a compris les recherches de ses semblables et s'y est souvent essayé à son tour. Mais il a surtout suivi son chemin particulier qui a fait que ses créations ont acquis de la consistance et du poids et que, parti de tentatives purement ludiques et graphiques, il va de plus en plus pénétrer dans le réel et s'en emparer.
haut de page
Horst Fasel
www.paintingsfasel.com
Contact : plaindoux.peintre@free.fr design et développement : Audrey Lefeuvre