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L’art ne naît pas «ex-abrupto», pas plus dans l’esprit du spectateur que dans celui du peintre. Les chemins nouveaux que celui-ci explore doivent procéder de chemins anciens, même si son talent et son originalité sont capables de créer des surprises et d’ouvrir des perspectives inattendues. L'amateur de peinture peut s'être familiarisé avec tout ce que le grand livre de l'histoire de l'Art lui a fait connaître depuis la nuit des temps. La présence d'une œuvre nouvelle lui demandera d'aller un peu plus loin, d'envisager d'autres possibilités et de faire l'effort de les accepter.

La toile : un espace vide et blanc, toujours le même, qu’il faut remplir, animer, sur lequel il faut oser une première approche, un premier geste, une première marque de possession…
Parfois, c’est par une tache, sombre ou colorée, violemment jetée sur la surface vierge comme un brusque accord que vont se déclencher des harmoniques de couleurs et de formes ; ou bien l’artiste va griffonner des traits de fusain noirs, épais, qui vont lui permettre, en quelque sorte, de s’installer sur son territoire.
Le téléphone
Le peintre Courtade utilise différents moyens pour s’approprier cet espace rebelle : découpage inattendu qui rejette les objets autour d’un vaste vide central (Le téléphone), basculement des perspectives, simultanéité de points de vue, délimitation imprévue des corps et des choses…
Lorsque l’orientation générale de l’œuvre a été ainsi circonscrite, l’élaboration de la toile peut commencer.

L’ajout ou l’effacement des volumes, le renforcement ou l’élision des lignes, le poids des taches claires ou foncées, finiront, de corrections en corrections, de déséquilibres en équilibres, par mener vers la structure définitive du tableau.

De cette harmonie finale, les couleurs sont étroitement solidaires. Elles créent une symphonie qui coïncide parfois avec la composition, mais qui, le plus souvent, comme la musique accompagnant le danseur, la suit sans en être prisonnière. Le réseau qui délimite les formes contraste avec le lyrisme plus actif des tonalités. Les lignes de soutien et les plages colorées sont interactives, il y a entre elles un jeu subtil d’équilibres imprévus.
Dans certains cas, les nuances s’amassent dans des golfs ou des baies cernés de traits épais ; d’autres fois, elles franchissent l'arabesque qui cerne un corps ou un objet pour achever leur course au-delà, les nimbant d’une flaque irrégulière de tons purs. Certaines touches éclatantes, certains frottis violents, dramatisent les surfaces en des endroits inattendus. Les couleurs peuvent même acquérir une indépendance totale.
La surface échappe alors toute entière au réseau des formes et des figures et chante son chant autonome dans des toiles entièrement abstraites.
Mais même dans ces toiles non figuratives, elles sont immédiatement reconnaissables comme les couleurs mêmes de
Courtade, aussi particulières que le son de sa voix. La surface garde l'aboutissement du geste de l'élan, du dynamisme de celui qui l'a créée. Elle est le résumé occulte des passions, des désirs et de la personnalité de celui qui les a fixés là définitivement.

Certes, une peinture soit abstraite, soit figurative traduit de toute façon le monde intime et l'individualité de son auteur.
Les sentiments que suscite un tableau viennent, non pas seulement du sujet représenté, mais de la possibilité donnée au spectateur de ressentir les émotions que le peintre a imprégnées sur la toile. Les idées préconçues, le refus de se laisser toucher, émouvoir, interdisent de pénétrer dans la création d’autrui.

Le peintre, de nos jours surtout, n’est pas innocent, le Musée Imaginaire l’habite. Il connaît toutes les tentatives des artistes qui l’ont précédé.
Ainsi, la femme nue dans un tableau de Courtade, si elle est, bien sûr, l’image de la femme charnelle, une évocation de tendresse et de sensualité, est avant tout une femme nue peinte. Elle rappelle toutes celles qui ont été représentées, au cours des temps, sur d’innombrables fresques ou toiles jusqu’aux nus contemporains de Modigliani, de Derain ou de Picasso. Elle est reconnaissable à quelques signes : l’œil, le sein, le sexe, les jambes anguleuses… C’est une femme symbole, une femme vocabulaire, une femme cursive. Son anatomie, parfaitement maîtrisée, s’insère dans toutes les géométries possibles.
Son corps étiré, déformé se prête aux modelés les plus inattendus. Il doit y avoir, pourtant, une logique dans ces transformations, ces contorsions imposées à la figure humaine. Ils paraîtront d’autant plus nécessaires et acceptables que le créateur aura réussi à faire une synthèse entre ce qu’il sait du monde et ce qu’il peut lui imposer dans ses œuvres. Il y a, dans la croissance d’une plante, dans l’évolution d’un corps ou d’un visage, au cours des ans, des transformations naturelles, induites, physiologiques, dont nous avons intuitivement conscience.
Les créateurs doivent ressentir cela et en tenir compte et s’en inspirer lorsqu’ils modifient volontairement les êtres ou les choses qu’ils dessinent.

La grosse blonde Courtade, comme la plupart des peintres, cherche à rendre solidaires les créatures peintes sur sa toile de tout ce qui est représenté sur celle-ci. Si un nu est placé près d’une nature morte, les renflements ou évidements de son corps subiront l’influence des objets arrondis ou concaves qui sont auprès de lui.
Dans le tableau La grosse blonde, la femme placée à côté d’un plat où figurent des citrons, en subit la contagion colorée et devient elle-même une espèce de gros fruit d’un jaune acide.
Il aime les couleurs violentes et contrastées.
Il fera voisiner un vert-jaune avec un bleu charrette et placera dans les zones environnantes des rouges et des oranges complémentaires, aussi intenses que savamment accordés.
Le peintre est libre de dicter ses propres lois, de transformer le monde extérieur pour l’adapter à la représentation de son monde particulier, mais il faut que le créateur d‘abord, le spectateur ensuite, ressentent profondément la logique et la nécessité de ces transformations. Cela suppose chez l’un et chez l’autre une culture identique, mais aussi une intuition commune de la vie et de ses lois.

Courtade n’est plus…

Ses œuvres sont à présent le témoignage de ce qu'il a été, mais aussi, le reflet du temps où il a vécu.
L’esprit de Courtade est désormais indissociable de son époque. L’arrêt de son œuvre à un moment précis fige définitivement mais aussi immortalise ce qu’il a peint.


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Contact : plaindoux.peintre@free.fr design et développement : Audrey Lefeuvre