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Un grand tableau de Plaindoux, Les Vigiles, représente une étendue d'eau stagnante compartimentée par une perspective de poutres entrecroisées. Sur un fond de nuit étoilée, un groupe de personnages les survole. Dans ces alvéoles, des humains de toutes races et de tous âges, se baignent et lèvent la tête pour les voir passer. Cette cohorte semble appartenir à une autre espèce, un autre peuple... La lune qui se détache sur le ciel noir est dépourvue de halo. Les tons sont sombres, vert olive et brun. Seule, une plaque de lumière orangée évoque, en dessous de ces pontons, une vie chaleureuse et protégée. On pourrait penser que les êtres d'en bas sont des êtres torturés. Non, ils s'interrogent seulement, comme un vol d'oiseaux migrateurs nous fait nous poser des questions sur d'autres rivages, une autre vie... d'autres possibilités...

Faut-il croire à un monde où des puissances supérieures occuperaient l'espace entre l'esprit suprême et nous ? Le peintre le suggère, tout en sous-entendant peut-être aussi que ces entités ne feraient que passer en ignorant nos destinées.

Le Frai
On trouve dans les œuvres de Plaindoux d'autres créatures en vol groupé : des essaims, des nuées, des amalgames d'ailes... Dans Les voleurs de poules, les Tisserands ou Icare. Dans ces Bâtisseurs qui transportent dans les airs les panneaux d'une ville nouvelle. Dans cette troupe, faite de femmes et d'oiseaux qui emmènent, dans L'agneau Pascal, le mouton au sacrifice. Dans ces Poissons migrateurs qui glissent dans l'eau à la recherche d'un ailleurs. Il y a très souvent une aspiration à partir, à s'élever, à s'échapper... tel ce groupe qui fuit en ballon les murs étroits d'une cité antique ou ceux qui, enserrés par des branches, des racines, agrippés par la main d'une folle, tentent vainement de se libérer. Les personnages des Renouées qui ont l'air de voler librement sont retenus par leur tige au fond des eaux. Dans L'Éclipse, l'infirme qui se dégage des bras protecteurs de l'ange ne peut que se tendre de tout son corps vers le ciel. Les Captifs sont prisonniers de ramures impitoyables en compagnie d'oiseaux, ligotés eux aussi. Pourtant, au sommet de l'arbre l'un d'eux s'envole. Enfin délivré !
Tous ces êtres, qui sont ailés, qui s'élancent dans l'air ou dans l'eau... font pendant à tous ceux qui sont entravés. À ces tresses, ces cordages, ces bandelettes, ces pieds massifs qui appuient lourdement sur le sol. À ces plis, ces lourdes draperies qui les tirent vers le bas. Ne faut-il pas des ailes pour nous délivrer de ce qui nous retient, nous contraint, pour échapper à cette pesanteur qui nous attache à la terre et qui emprisonne et asservit notre esprit ?

D'autres semblent aller, dans un long cheminement, à la recherche d'un endroit où règnent la beauté et l'harmonie. Des théories, des cortèges, se mettent en route... Il s'agit toujours de célébrer, d'apporter des offrandes, des objets à faire consacrer. Bas-reliefs processionnaires, cérémonies antiques, défilés solennels et recueillis... Les Choéphores, Les sorciers, Les Lothophages... Malgré les liens qui souvent les entravent, malgré les masques cachant leurs visages, ils marchent vers un lieu où il y aura apaisement et félicité.
Ce havre existe-t-il ? Tous ceux qui, pendant le Moyen Âge et la Renaissance, ont représenté le Paradis, le promettaient aux fidèles. D'autres l'ont seulement fait pressentir ou se sont contentés de la beauté terrestre en y mettant un peu de parfum d'éternité. Toute sa vie de peintre, Plaindoux a, elle aussi, cherché les approches de ces enchantements. Certes, l'Éden qu'elle peint n'est que virtuel, mais ne suffit-il pas de de le faire exister sur quelques centimètres carrés pour, qu'au moins dans cet espace, ce monde-là devienne réalité et que l'âme du spectateur s'y repose ? Et Les Élus qui s'envolent, baignés d'une lumière rose, semblent prêts à atteindre ce but.


L'embarquement
Dans son œuvre, le décor reste au second plan. Les arbres, les rochers, les architectures parfois, ont été entièrement repensés avant de passer par la main du peintre. Ce monde est principalement un monde de personnages. Ils sont intemporels. Souvent, leurs visages sont schématiques, leurs yeux sans prunelles. Leurs chevelures, empruntent leurs volutes, leurs nervures au règne végétal. Ils ne sont pas destinés à représenter la réalité mais à figurer des allégories. Ils n'ont pas de biographie. Ils appartiennent à un univers uniquement symbolique et graphique. Leur vie se limite à cette place qu'ils occupent une seule fois et dans un seul lieu. Ils veulent signifier, non pas une aventure individuelle, mais, à l'aide d'une forme, d'une attitude, d'un geste... une pensée ou un sentiment. Ils sont l'incarnation d'une idée, le résumé d'une légende ou le reflet d'un mythe. Les titres des tableaux, commençant le plus souvent par un article défini indiquent d'ailleurs qu'il n'est pas question d'une histoire particulière. Il y a là une multitude d'impressions condensées en une image unique. Tout doit être dit dans cet espace limité.



Si le sens de ces œuvres peut sembler parfois obscur, c'est qu'il arrive qu'il soit caché à leur auteur lui-même. S'il était trop narratif, trop explicite, s'il s'enfermait dans une représentation trop évidente, il empêcherait à son imagination et à celle du spectateur d'aller plus loin encore que ce que ces images lui offrent. Il faut savoir revenir au tableau ; le regarder encore et encore et trouver peut-être chaque fois un contenu, des impressions et des sensations nouvelles. Il faut chercher à deviner les intentions de l'artiste et entrevoir, à la fois, ce qu'il apporte et ce qu'il ressuscite en vous de réminiscences archaïques et profondes. Les désirs, les souvenirs, les expériences antérieures liées à un geste, une figure, un objet... peuvent être chargés d'émotion et faire surgir une signification ignorée jusque-là.

On ne peut être peintre dans notre époque en ignorant les innombrables tentatives pour renouveler cet art. A la croisée des chemins, l'artiste s'interroge : quelle voie emprunter ? Imiter ceux qui sont demeurés classiques, ne voulant pas renier les maîtres ? S'inspirer des chatoiements colorés des impressionnistes ? Ou se lancer dans les entreprises iconoclastes des cubistes, des fauves, des surréalistes ? Suivre les modes ? Tenter, une fois de plus, de proposer du nouveau, de l'étonnant ? Parmi tous ces courants, lequel choisir pour se trouver soi-même ? Il est impossible de ne pas tenir compte de ce qu'on a vu, compris et senti. Mais si rien de tout cela n'apporte de solution à votre quête particulière, ne faut-il pas, sans oublier ce qui a précédé, prendre une autre voie ? L'avantage de toutes ces expérimentations, c'est que, si elles peuvent vous désorienter et vous perdre, elles ont aussi ouvert la porte à tous les possibles.

Inlassablement, Plaindoux s'interroge : qui sommes-nous ? Dans quel monde avons-nous été placés ? Que veut-on de nous ? Quel rôle avons-nous dans l'Univers et quelle est la place de l'artiste ? Souvent, les étoiles, la lune, le soleil sont présents dans ces tableaux comme autant d'interrogations. La réponse des astronomes et des physiciens correspond-elle à celle des cosmogonies et des légendes ? Dans Le 21 Mars, des œufs fécondés tournent autour des planètes dans une panspermie cosmique. Des amoureux ensemencent le fond des eaux dans Le Nautile et La Perle. La pluie de météorites des Perséïdes prédit l'avenir et l'ange Uriel survole la terre en proie au feu de l'Apocalypse. Mais Plaindoux se demande aussi comment une plante se développe, comment la vie emprunte des multitudes d'aspects et en quoi nous sommes solidaires de tout ce qui vit. Chaque créature a perfectionné sa forme au cours des millénaires et nous sommes sensibles aux séductions de ce qui nous entoure. Les fleurs exercent leurs attraits sur les insectes pour qu'ils les fécondent, mais nous aussi sommes touchés par leur éclat et leur parfum. Nous savons admirer les plumages colorés des oiseaux, la grâce et la souplesse d'un félin. La beauté des choses naturelles ne semble pas gratuite. Elle nous permet de communiquer avec cette immense création, si pleine d'énigmes. Si tous les êtres ont eux-mêmes élaboré leur propre genèse. S'ils ont, au cours de l'évolution, répandu leurs semences et fait des mutations et des croisements pour parfaire, par tâtonnements, un but entrevu. L'artiste, modestement, doit aussi participer aux lois de l'invention universelle. Il lui appartient, dans une infime mesure et avec les moyens limités qui sont les siens, de suivre le même processus.
Notre esprit est capable d'imaginer un lieu où nos désirs deviennent réalité. Le peintre peut le représenter sur une toile. Dans ce microcosme, nous sommes éternellement heureux ; éternellement apaisés et comblés. Faut-il s'y perdre ? Accepter d'être leurré, pour en bénéficier ne serait-ce que fugitivement ?

Plaindoux n'ignore pas la misère, la laideur, la douleur et la mort et admire la puissance évocatrice des grands artistes qui ont su les montrer.
Mais là n'est pas son domaine. Si la mort est évoquée, c'est dans la solennité d'un tombeau antique où une jeune morte est veillée par Les Parques compatissantes. Elle se consacre à chercher à tâtons un lieu de beauté et d'harmonie. Comment oser dans notre monde, tel qu'il est devenu, tenter de proposer la résurrection de cet Éden perdu ? Peut-être en trouve-t-on l'écho dans Le jardin des Hespérides, dans les amoureux enlacés au fond des eaux dans Le Nautile, dans ces Clowns fous, cette Belle Matinée où des personnages expriment leur joie de vivre avec une anatomie désinvolte et des couleurs acides. Et surtout dans ce Centaure hermaphrodite qui déroule sereinement une écharpe dans un paysage du XV° siècle florentin.

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Plaindoux
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Contact : plaindoux.peintre@free.fr design et développement : Audrey Lefeuvre